Friday, December 27, 1996

Vientiane, aéroport domestique


Le 22 décembre, Germ, Mat, Ma et AJJ attendent leur vol pour le Nord.

Un hélico rescapé de la guerre d’Afghanistan s’arrache lourdement de la piste comme un gros bourdon qui aurait mangé trop de miel. Contre l’aérogare, des champs de salades, une cuvette de WC, une chaise de paraplégique dans l’herbe haute et sèche. Le check-in a constitué à jeter les bagages sur une balance, sous l’oeil amorphe du préposé qui suçait un cigare éteint. Sur la piste, entre deux envols, circulent motos et vélos. Il y a bien un portique de sécurité mais sans doute sans rayons, car lorsqu’un officier l’a passé le fusil à la main, il ne s’est rien passé. « Doit être réglé sur les opinels et les trousseaux de clés, se dit AJJ ». Il y a aussi un tapis roulant à rayons X: c’est sécurisant mais pas tout à fait parce que le préposé regarde TF1 sur le poste de contrôle : excellente réception des chaînes françaises, indiennes et de CNN. La sécurité est tout de même assurée car un écriteau dit: « Show all weapons ».

Thursday, December 26, 1996

Caméléons


- Il paraît qu’il y a des caméléons!
- On les voit comment le soir dans le noir ?


De riz gluant en riz gluant, ils pénètrent le pays.



Wednesday, December 25, 1996

Accent tonal

- Vous avez un « Phrase Book », lui demanda la libraire ?
- Euh, non. Ils ne parlent pas tous français au Laos ?
- Détrompez-vous, c’est indispensable, fouillant dans ses bouquins. Faites attention, on gaffe facilement. Ce sont des langues tonales et on met l’accent là où il ne faut pas.
- Ah bon ?
- Tenez, le mois dernier, la femme de l’ambassadeur d’Australie qui avait déjà beaucoup gaffé, a voulu s’excuser en public. Elle a dit une phrase dans laquelle il y avait « Khô Thôk » et toute la salle a éclaté de rire. Elle s’est tournée vers l’interprète :
- Qu’est-ce-que j’ai dit ?
Il était très embarrassé.
- Madame... je ne peux pas.
- Mais si, a-t-elle insisté !
L’interprète ne pipait mot.
- Dites-le moi a-t-elle presque crié !
Il a rougi, puis est devenu blanc et il a fini par murmurer :
- Madame, excusez-moi, mais vous avez dit « J’ai envie de péter ».
- Comme les Laos sont plutôt scatos, poursuivait Julie, ça leur a plu, vous pensez ! « Khô Thôk », avec accent sur la première syllabe, c’est « péter », alors que Khô Thôk », avec accent sur la deuxième syllabe, c’est « excusez-moi ».
Elle lui tendait le « Phrase Book ».
- ça fera vingt-huit Francs. Montrez les phrases écrites dans le livre, c’est plus prudent.



Quelques jours plus tard à Vientiane, ce 17 décembre, au café  « Maxai » au bord du Mékong, Mat essayait d’apprendre comment on disait « merci ». Au fil des heures et des bières, il criait sous n’importe quel prétexte et de plus en plus fort « Khôp Jai », « Khôp Jai ». Les Laos de la terrasse étaient morts de rire et Mat enchanté de l’ambiance.


Lorsqu’ils ouvrirent la porte de leur bungalow, l’air y était glacé, la climat bloquée sur 12o. Dans l’après-midi, AJJ trouvait qu’il faisait trop froid. Il avait demandé qu’on augmente la température mais n’avait pas dû mettre le bon accent tonal.

Monday, December 23, 1996

Prologue

Planifié, acheté, délimité dans le temps et dans l'espace, consommé et raconté, le voyage est jeté dans le carton à photos. Avant, les voyageurs ne savaient ni où ils partaient ni s'ils reviendraient. Aujourd'hui, ils ne savent même pas d'où il reviennent. Ma a emmené AJJ faire un tour à vélo. Le bord du lac, qu'il sillonne à fond de train en auto depuis vingt ans, et qui lui a toujours paru, non pas insipide mais tout simplement inexistant, existait, soudain. La sinuosité de la rive, les petites plages enfouies, le calme de l'eau, les falaises insoupçonnées, les vignes abruptes, tout cela est là depuis toujours, sous son nez, mais il ne voit rien.
Il va en Egypte, au Pérou, il regarde avidement et ne voit rien. Le voyage, immersion profonde, lui échappe comme un savon mouillé.
Alors il multiplie les destinations comme Don Juan les conquêtes.
Comme tant d'autres, il est un impuissant du voyage.

Friday, August 16, 1996

South of Java

Un vent violent soulève la mer qui vient mourir sur les sabots des chevaux. Les carrioles foncent sur le sable dur à la lisière des éléments, à la frontière vers l'infini, entre eau, terre, ciel et mirages. L'infini, ils y vont. Il est fait de dunes, d'habitations ensablées et de paillotes. Personne que le vent entêtant et le bruit de la mer. On rencontre ici les rêves anciens. Le détroit de Malaka, laissant Sumatra par tribord, puis Batavia. Les bas fonds de Makasar, les monstres et princesses de Bali, les hommes-dieux enfouis dans la jungle de Bornéo, le dragon de Komodo. A l'Est, au confins du mystère, la Nouvelle Guinée. Ecartelé entre son besoin de confort et sa soif de romanesque, l'AJJ avance lentement. Cette fois-ci, il a poussé l'audace jusqu'à goûter des palaces équatoriaux, s'aventurant parfois dans les rues et les campagnes, trempant courageusement son gros orteil dans l'océan Indien pour revenir se blottir dans la piscine et la climatisation de son trois étoiles.
- Tu vois mon vieux, si tu veux vraiment voir le pays, il faut quitter les cinq étoiles, explique-t-il à la ronde dès son retour. Et puis, il faut apprendre la langue. Tu vois, moi, j'ai appris je me promène, jalen. Ça t'ouvre des portes, t'es tout de suite adopté quand tu parles la langue.
- Iles de la Sonde, je vous ai foulées, savoure-t-il dans le 747 qui l'enlève.

Un grand pas pour lui, un petit pas pour l'humanité.


Friday, August 09, 1996

Borobudur


Borobudur, 6 a.m. - Mille échoppes qui commencent à ouvrir. Brume.
Pour le lever de soleil sur Borobudur, il faudra repasser. Quel monde! Si les lieux avaient de la magie, ça gênerait mais ce Borobudur, c'est un gros tas de cailloux mastoc. Aucun élancement vers le ciel mais un énorme truc carré. Bizarre que ça attire autant de monde.
Quatre-vingt-seize bouddhas de pierre sur la seule première terrasse. Et il y a six étages carrés surmontés de trois terrasses circulaires. C'est une vraie saturation bouddhique. Pour rompre la monotonie, la main droite des statues fait une chose différente sur chaque côté du temple. Main droite ouverte, paume vers le ciel en guise de mendicité, main levée en signe de salut aux passants et trois autres gestes de significations diverses.
Tout au long du long parcours, une lancinante bande dessinée de pierre. Lorsqu'après plusieurs kilomètres de rotation ascendante, ils parviennent enfin au Nirvâna symbolisé par une forêt de stupas, ils tombent sur un groupe de jeunes AJJs bruyants.
- Allez, on se casse! On a encore trois heures de route pour arriver au plateau de Dieng, gueule une jeune française, Décatlon 25 au dos et banane Easy sur le ventre.
Au sommet de cette gigantesque tourte d'anniversaire, il ne manque que les vendeurs de Gelati Motta.
A la sortie il font la rencontre d'un mimosa pudique. Au moindre effleurement, ses feuilles se referment, la plante disparaît empêchant qu'on la broute. Par dépit, il vont au restaurant.

En route pour Borobudur

Pour voir Borobudur au lever du soleil, ils ont demandé à être réveillés à 04.30h. La veille au soir à onze heures, alors qu'ils dorment, le chauffeur les appelle pour leur confirmer que c'est toujours en ordre pour le lendemain à cinq heures, mais avec un autre chauffeur.
- Oui, merci, c'est gentil d'avoir appelé.
A quatre heures, réveil par le téléphone.

Dans la camionnette à l'aube, le vent glacé de la clim caresse les jambes nues d'AJJ:
- Please, could you reduce the climatisation?
- Pardon?
- Could you reduce the clim?
- Oh yes, you can climb the Merapi and it ...
- OK, thanks, coupe-t-il en manipulant sans succès tous les boutons du tableau de bord.

Thursday, August 08, 1996

Pemecutan Palace

Le Pemecutan Palace Hotel vaut le détour. Installé dans un ancien palais au centre de Denpasar, les chambres donnent sur une cour immense arborisée et bourrée d'animaux en liberté, enfermés ou empaillés. Il y a même un tigre. Le Palace manque de clients. Il est au soins palliatifs depuis longtemps. Les restes de la splendeur côtoient la misère présente. Les salles des restaurants, les patios, les bars sont désespérément vides à toute heure. Une bombe à neutron a passé par là, n'épargnant que les animaux et les jeunes grooms en costumes de bagnards, avec balais et plumeaux. Parfois fugacement, un hôte passe devant la cage du doberman tandis que les paons grincent comme des gamins. Dans les chambres, les ressorts des lits transpercent les corps, les TV importées des stocks de l'ex-RDA ornent les murs et le téléphone fait joli sur la table de nuit. Il fonctionne mais n'aboutit nulle part. Une carte des mets subsiste mais il y a bien longtemps que les cuisines sont muettes.
Lieu étrange que le Pemecutan Palace où des garçons en livrée apportent cérémonieusement du thé, des linges de bain et des savons, mais où le robinet d'eau chaude délivre de l'eau froide, où le réservoir des WC ne se remplit pas, où la lunette est un puzzle, où les patères tombent au moindre effleurement et où le porte-PQ est décoré de fleurs mais sans PQ.
Drôle d'endroit que le Pemecutan Palace Hotel avec son huissier triomphant à l'entrée d'un lobby rutilant, ses statues de pierre ornées de fleurs par de vieilles femmes courbées à l'équerre et la pendule dorée, à côté du portrait de Suharto jeune, bloquée pour toujours sur minuit moins cinq.

Tuesday, August 06, 1996

A la manière de Don Camillo

- Oui, observe pensivement le créateur, cette version 1.0 de l'AJJ n'est pas très réussie. Il faudrait que je retouche la stabilité psychologique pour la version suivante. Par la même occasion, je raccourcirai le nez pour qu'il puisse le mettre dans un masque et admirer les fonds sous-marins. D'ailleurs elle est bien impertinente, cette première version!
- Hé, ho, dis donc là, mon créateur, lui glisse l'AJJ une lueur dans l'œil!
- M'ouais, grogne le créateur qui a fait AJJ à son image?
- On pourrait pas faire sauter tous ces récifs? Comme ça, on pourrait faire du dériveur ou de la planche à voile sans risquer de s'éventrer sur les coraux? Au moins, on pourrait s'amuser un peu dans le coin. Si tu le fais, je promets que je ne râlerai plus, disons, pendant une bonne semaine.
Le créateur est fin psychologue.
- D'accord, répond-il, mais je t'avertis, cela fera aussi venir le ski nautique et les scooters d'eau, sans compter les barracudas et même peut-être les requ,...
- Ah, oui, j'avais pas pensé, soupire l'AJJ, laisse tomber. T'as gagné comme d'habitude. T'es content n'est-ce-pas?
C'est ainsi, dit la légende balinaise, que le nord de l'île a été préservé, il y a de cela bien longtemps. Cet épisode est joué au théâtre d'ombres le soir dans les villages avec de grands cris rauques et des marionnettes dont l'une a un étonnant grand nez.

Snorkeling, no snorkeling


La proue du praho fend la mer du matin. De loin en loin, quelques coques éparses comme des libellules.
A la barre, un gosse en casquette de base-ball. Sur des planchettes posées en travers de la coque, quatre passagers assis l'un derrière l'autre comme dans un bus.
Ils vont observer le récif de corail avec palmes, masque et tuba. L'équipage y  jette l'ancre auprès de deux autres prahos dont les passagers nagent déjà. En quelques minutes, arrivent deux, puis trois bateaux chargés. Il y a à présent quelque trente personnes qui barbotent autour des bateaux. Le corail est triste. les poissons se sont tirés depuis longtemps. Même les tomates et les étoiles ont trouvés le moyen de migrer loin du «best place for snorkeling of the beach». Les jeunes marins admirent les jolis derrières des nageuses et discutent entre eux. L'AJJ fait partie de l'expédition. Son instabilité psychologique demeure d'ailleurs un sujet de préoccupation. La veille au soir, il déclarait, après la cinquième Bintang, vouloir tout abandonner et écrire des cartes postales depuis ce rivage béni et ce matin, il maugrée à peine levé qu'il faut aller en troupeau admirer ces récifs qui l'indifèrent, et en plein soleil par dessus le marché. Il a jeté un coup d'oeil sous l'eau puis a rendu ses palmes qui lui faisaient mal, son masque qui lui écrasait le nez et son tuba qui prenait l'eau.
- There isn't anything beautiful here under, ronchonne-t-il, jetant le matériel dans la pirogue.

Sunday, August 04, 1996

Lovina Beach


A l'Est d'Anturan

Pas un objet sur la mer.
Quelques prahos et rien. Ni canot moteur, ni canot à rame, ni pédalo, ni moto nautique, ni planche à voile, ni surf, ni catamaran, ni voilier. Juste un praho parfois et la musique d'un kulkul dans la brise. Un bistrot, trois tables, quatre chambres et la grosse patronne en robe bariolée qui fait frire un peu de croque. Dans la chaleur du plein après-midi, trois poules prennent le frais sur la véranda. Entre le resto et l'eau, quatre piquets, une plate-forme et un toit de tôle. Deux hommes y somnolent. Comme les poules.


Saturday, August 03, 1996

Dans les rizières vers Ubud

Promenade dans les rizières, puis Temulawak et Tahu Santan dans un Warung. Comprenne qui pourra. Les rizières à perte de vue sont aussi vertes que la mer est bleue à part que la mer est bleue et que les rizières sont vertes. Enfin elles ne sont pas de la même couleur mais l'impression générale est la même. Elles sont plantées de cocotiers (pas la mer, les rizières !). Ne pas s'arrêter pour s'éponger sous un cocotier. Parfois une noix de quinze kilos tombe. Les rizières sont superbes de près comme de loin mais ça reste de la campagne et ça n'est pas le milieu préféré de l'AJJ.
D'ailleurs, dans les grandes ballades par 35 à l'ombre et 80 % d'humidité, Ma prend toujours avec elle un demi régime de bananes pour nourrir l'AJJ qui est sujet aux coups de barre. Dans ces cas là, il est capable de tout et il est indispensable d'avoir de quoi le calmer.



Ubud

Ils ont quittés leur refuge pour friqués et sont parti au centre de l'île  où il y a de grands noirs grimaçants qui brandissent d'énormes phallus en érection et des hommes sous de lourds costumes démoniaques qui se démènent au rythme de la musique.

Il parait qu'il y a aussi des temples.

Dans leur bungalow, la moustiquaire a été attaquée au bazooka.

La douche n'a pour seule fonction que de stimuler les vertus spartiates. Il y a bien un pommeau à but décoratif car l'eau n'en sort que lorsqu'il est abaissé à dix centimètres du sol. A moins de prendre sa douche couché sur le sol... non, la vraie douche est un pichet de plastique d'eau glacée qu'on se balance sur la tête. 


Ma dévore Jurassic Park. Ses héros préférés s'y font dévorer par des dinosaures carnivores dans une végétation tropicale: quand elle voit sortir un gros lézard d'une anfractuosité, elle sursaute et fume cinq cigarettes à l'heure.



Friday, August 02, 1996

Legong

Ce soir, danse. Sinon c'est aller en Suisse sans manger de raclette, à Paris sans tirer de bleue  ou à Vegas sans perdre 1000 dollars au blackjack.
Ce soir dong, Legong. L'AJJ se réjouit déjà.

Le Legong est une danse accompagnée de musique où des jeunes filles en sarongs multicolores se déhanchent, se tordent les doigts et roulent les yeux à gauche et à droite. Parfois, elles fixent leur regard droit devant elles en écarquillant les pupilles.
C'est très beau. D'ailleurs, il y a plein de gens qui font des tas de photos. C'est beau mais c'est monotone. Durant le spectacle, il y a quand même du suspense. Une danseuse s'est prise le pied dans son sarong. Elle profite de la figure suivante pour le dégager. Le résultat est catastrophique: le pied est à présent entièrement emmailloté dans l'étoffe. Elle sourit, lance des oeillades sur le rythme endiablé de la musique.
- Elle n'a pas remarqué, jubile l'AJJ!
- Ah...zut, elle s'en sort bien!
En effet, elle se dégage par petites touches sans en faire pâlir son jeu subtil.

Ma qui remarque tout a proposé à AJJ de partir avant la fin.
- Oh oui, a-t-il répondu, de derrière, ce sera encore plus beau!
La vérité c'était que Ma était pressée de finir «Jurassic Park».
Au resto, elle a renoncé au dessert et au café, elle a fait semblant d'avoir sommeil et à peine dans la case, elle s'est allumée une sèche à la pistache et s'est plongée dans son bouquin. Il en résulte qu'ils se retrouvent à minuit:
1. dehors sur deux fauteuils datant de la conquête hollandaise,
2. la lumière allumée,
3. entourés de moustiques tueurs,
4. et, pour gommer le danger, d'une bouteille de J&B.

Thursday, August 01, 1996

Premier matin

Boum, boum, boum.
Boum, boum, boum.
- Atchinaratari, Atchinatanaratari !!
AJJ ouvre la porte: dans le soleil qui l'aveugle, la préposée est sur le seuil.
- May I clean the room ?
- Later.
A midi, elle revient, pas contente. Il promet de se tirer dans le quart d'heure. Il sort écrasé par la chaleur. Autour des piscines, dans les cocotiers, palmiers, cascades, fleurs et cerfs-volants, des éclats de voix en néerlandais et australien.

Plongé longuement dans la piscine du bar, les mollets massés par les jets de jacusi et le gosier par ceux d'Heineken glacée, l'AJJ se console et se noie.  De grands verres d'Arak lui ouvrent les yeux : les bungalows sont des oeuvres d'art précolombiennes.
- En Egypte, c'est vieux et foutu tandis qu'ici c'est neuf, c'est la seule différence, marmonne-t-il.
Il paie avec le numéro de la chambre de Gottfried.

Mystérieuse derrière ses Pola, Ma contemple l'océan.           première aqua

Tuesday, July 30, 1996

Jetlag

L'apprivoisement de l'AJJ adulte se poursuit. C'est à Bali que nous l'emmenons à présent. L'AJJ est une espèce méfiante, casanière. Lorsqu'on l'éloigne de son environnement naturel, il s'agite et montre des signes d'inquiétude. L'acclimatation à l'environnement asiatique de ce spécimen particulièrement délicat prend du temps, de la douceur et de la patience. La dompteuse d'AJJ qualifiée sait doser la progression: Istanbul, en guise de baptême, puis Katmandou où l'on trouve de tout, enfin Bali, île paisible.

L'AJJ prend  possession de sa chambre.
- Please, at which hour does the night fall, demande-t-il au groom?
Comme il sort de la salle de bain, le groom comprend:
- Please, which shower might fall, et le regarde interloqué?
- Ouais, bon... when does it become dark?
- At seven.
Lorsque la nuit tombe, ils sont avec Gottfried, un allemand de rencontre. Le courant s'est établi entre lui et Ma à travers une sèche qu'elle lui a piqué. Tandis qu'ils discutent à corps perdus, l'AJJ s'ennuie.
Dans la nuit devant l'Océan où l'on distingue à peine la ligne blanche des vagues sur la barre de corail qui protège la plage, il pique à Ma une bouffée de cigarette au girofle. Elle a le goût des premières sèches fumées en cachette sur les rochers du Cassis de son enfance. C'est en vain qu'il tente de faire partager cette sensation infinie à Gottfried.

La nuit, le fantôme de KTM revient, Ma dort, AJJ écrit.