Monday, December 23, 1996

Prologue

Planifié, acheté, délimité dans le temps et dans l'espace, consommé et raconté, le voyage est jeté dans le carton à photos. Avant, les voyageurs ne savaient ni où ils partaient ni s'ils reviendraient. Aujourd'hui, ils ne savent même pas d'où il reviennent. Ma a emmené AJJ faire un tour à vélo. Le bord du lac, qu'il sillonne à fond de train en auto depuis vingt ans, et qui lui a toujours paru, non pas insipide mais tout simplement inexistant, existait, soudain. La sinuosité de la rive, les petites plages enfouies, le calme de l'eau, les falaises insoupçonnées, les vignes abruptes, tout cela est là depuis toujours, sous son nez, mais il ne voit rien.
Il va en Egypte, au Pérou, il regarde avidement et ne voit rien. Le voyage, immersion profonde, lui échappe comme un savon mouillé.
Alors il multiplie les destinations comme Don Juan les conquêtes.
Comme tant d'autres, il est un impuissant du voyage.

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