Saturday, October 14, 2006

No Split (3)

Dimanche 8 octobre 2006 Croatie, île de Brac, village de Bol, restaurant Topolino, table numéro 18, place no 2. SMS de Ma : « BBTA », Belle Ballade Tout Arrive, Beau Bien Tout Accompli, à Bélier Bestial de Taquine Amoureuse ou Bon Bivouac Ton Adorée ?
Hormis deux matelots en tee-shirts rouges, un pauvre milliardaire, seul sur son yacht aérodynamique de plastic blanc.
Nuit noire avant lever de lune, trois tables occupées sur les cinquante de la terrasse. Cramine et force six au large.
A huit huit moins quart, sortie de l’église, animée, chaleureuse, majorité de jeunes femmes.


Lundi 9 octobre, 18h, Topolino
Le chanteur est là. Maintenant on se salue d’un hochement. « …The answer my friend is blowing in the wind… ». Plus que deux tables occupées, j’applaudis la fin de la chanson. La nourriture n'est pas bonne mais c’est le seul endroit où il y a un peu de vie et le vin rouge fait tout passer.
J’hésite entre un Prsut et un Prezeni Krumpir qui, comme chacun le sait, veut dire jambon fumé et pommes frites, ou bien un simple Zajtnk. Pour échapper aux horribles salades de thon et autres spag et pizze, j’opte pour un Prsut, ou plutôt non, pour un Dalmatinska Platta, un Paski sir et une Zelena. C'était pas mal.
- Please a whisky without ice, without water, without whisky, euh...
- Clean.
- Yes, clean that’s it.
Ça n’a sûrement l’air de rien pour les jeunots, mais manger en téléphonant à 3 hôtels de Parme, les 2 premiers complets, depuis le bord de mer en regardant un bateau s’amarrer, c’est vraiment de la SF pour un type de bientôt 60 balais. Demain, l’élastique du Jokari tire dans l’autre sens. Ferry pour Split, visite du palais de Dioclétien, puis ferry de nuit pour Ancona. Mercredi Parma.


Mardi 10, 10h30 sur le ferry pour Split. Je suis enfin un vrai voyageur selon Lao Tseu.
- Pronto, Hôtel Al Castelo in Parma? I cancel the reservation for tomorrow.
- Doberdan, Jadrolinija Ferries ? I cancel the reservation to Ancona.

- Doberdan, Hôtel Galija in Pula ? Do you have a room free tonight ?


Sur l’autoroute ultra-moderne, ultra-déserte, vitesse de croisière autour de 170 km/h alors que limité à 130. Parfois un bolide me dépasse à 200, 220 ? ça laisse le temps de gamberger sur les amitiés, l’amour, le temps. L’esprit fout le camp comme un cheval sans bride. Tiens, on passe au large de Krk ? Téléphoner à mon frère pour le lui dire ? On y était en 1970, ça fait 36 ans ! J'avais quel âge ? Voyons 70 moins 47 = 23 ans, hier. On était bons copains. Je roulais mal, on avait failli se tuer sur une route sinueuse. A Venise, on avait juste l’argent pour un spag napo et j’avais une angine. Krk, ce qu’on a pu rire avec cette prononciation. 
Lunch : un énorme sandwich de conducteur de camion à la mortadelle, acheté au port des ferries à Brac et qui, malgré un machâge lent et rigoureux à 160 km/h, me force de partir à la recherche de mon neutralisateur de bombe à protons.


Pula 17h, belle ville.

Café Uliks, rues piétonnes, boutiques, animé, les mânes de James Joyce sous un petit arc de triomphe romain. Les ruines sont ici antérieures de quelques siècles à celles de Dioclétien.



Soir - après le Hoper du resto, de loin en loin, un réverbère jaune, les pas des rares ombres se répercutent longtemps, enseigne rouge d’un sex shop, clignotante d’un « Casino » ou promis comme tel. E.T. Maison, mais suis à 1'000 km, 2 jours. Etape à mi-chemin, théoriquement Milan à 500 km. Bon, dans les environ de Milan, Bergame, Come ?


Mercredi 7h du mat, je suis où ? Voyons, ah oui à Pula en Yougosl… Croatie. A huit heures moins quart, dans la rue. Dans la fraîcheur, lycéens et écoliers avec leurs gros sacs, roses pour les filles, sombres pour les garçons.

Photo intense, temple d’Auguste, chantier naval, pêcheurs, Colisée local. La lumière est bonne. Pas de monde, pas de cars, rien que la vie normale d’une ville. Agréable mais clichés convenus de ruines et basta.


Un énorme cargo en réparation sur le quai bouche la mer.



« 10h, aubergiste, faites seller Joly Jumper, je pars ! »



On the road again. “TRST 115 km”, devrait être Trieste avec cette manie de supprimer les voyelles. Ils abrègent comme les militaires suisses.
Tous ces insectes assassinés la veille sur la vitre.
E viva Italia, on mange mieux dans un restauroute de Vénétie que dans le meilleur restaurant de Pula. Et en prime, on a le pape à la télé !
Un saut Colapsar plus loin. 18h30, lost in translation. Ne sais plus trop où je suis ? Ah oui, en Italie / Desenzano del Garda / Hôtel Piroscafo, arrrivé droit devant, dans routes piétonnes, au cœur du cœur de la ville… grâce à mon cher GPS qui refonctionne.
Kaperri restaurant. A 9h, je me tire dans le brouhaha. Dans la rue, les vendeurs de roses rouges foncent vers les restos.

« …Tout n’est que luxe, calme et volupté » a dû être écrit dans ce coin-là… et pourtant, à 10 km, Solferino. Notre espèce, sauf Béranger devenu monstre en restant humain, s’est entièrement transformée en rhinocéros. Simultanément, je découvre que Kim Jong Il vient de faire pêter sa première bombinette. Ionesco a raison, nous sommes des monstres, les rhinocéros des dieux.


Piaggia d’Oro 14h ce qu’il fait bon sur cette terrasse, les vaguelettes qui brassent les galets, les gens qui, dans cette langue qui chante et que je ne comprends pas, sirotent la fin de leur vin ou dégustent une cigarette dans un soleil voilé. Il y a des moments comme ça où la vie, le voyage valent d’être vécus. Le quart de bianco qui paraissait beaucoup au début, semble bien peu une heure après.

En Italie, on mange bien. On aime bien aussi. Ce n’est pas la Lombardie qui risque de souffrir de dénatalité. Les boutiques de mode regorgent de lingerie fine, pour les hommes aussi, mise en évidence dans des vitrines transparentes. Toutes les audaces attirent les acheteuses qui les portent. Comme cette jeune serveuse en jeans taille si basse du Kapperi qui aimante les regards de ces trois trentenaires passant commande, le ventre nu de la jeune fille à quelques centimètres de leur table et qui la regardent s’éloigner étonnés, contents, admiratifs.


Le vendredi 13 n'a dissuadé personne. Le grand Milan est couvert d’un fog brun. Circulation intense à six pistes ; ça bouchonne parfois. Vivement les véhicules mixtes, camions compris ! Il suffirait de plonger un anti-écologiste un jour dans cette crasse pour qu’il en ressorte kyotiste acharné.


Depuis hier soir, je carbure au Ricard, un bouquin. Au dernier World Economic Forum, il proposait d’adjoindre au PIB, le Bonheur Intérieur Brut.
3'111 kilomètres à l'extérieur et à l'intérieur.
E finito


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